En 1970, à 30 ans, Martine Segalen, éthnologue, professeur émérite Paris Ouest Nanterre La Défense, est tombée amoureuse de la course à pied. Elle a même écrit un livre d’ethnologie sur le sujet. Aujourd’hui, à 76 ans, sa passion n’a pas changé, mais la pratique de la course, si. Rencontre… 

Pourquoi cette passion pour la course ?

Ma passion pour la course est ancienne. Elle a débuté dans les années 1970 avec le racing club de France lorsque plusieurs membres ont proposé à mon mari et moi de venir courir avec eux de temps en temps.

Comme beaucoup, je ne pensais pas en être capable mais petit à petit, prise dans ce groupe d’amis, on a fait un groupe informel de course où nous nous retrouvions plusieurs fois par semaine. J’ai commencé avec des distances de 2km, puis 5km et finalement je me suis prise au jeu et j’ai couru pendant 45 ans.

Ma devise : travail, famille et course a pied

Comment vivez-vous l’évolution du running en tant que pratiquante ?

Dans les années 1970, on n’imaginait pas que la course à pied pouvait être un sport appréciable. Je pensais faire partie d’une minorité mais finalement, je me suis rendu compte que je n’étais pas la seule à aimer courir.

Les petites courses se sont développées et sont devenues un véritable mouvement social qui a changé la société. Aujourd’hui, il n’y a pas une ville digne de ce nom qui n’a pas un marathon, y compris des villes comme Jerusalem ou Berouth.

Ce mouvement croît et s’embelli d’année en année.

On assiste à une explosion urbaine assez étrange car initialement, la course à pied est un mouvement de liberté : courir dans la nature pour récupérer et prendre soin de son corps. Aujourd’hui, la course à pied est un sport qui se développe en milieu urbain.

On assiste à une technicité croissante dans les courses, avec toujours plus d’équipements techniques : Avant, nous courrions avec un simple dossard qu’on épinglait à un t-shirt, aujourd’hui, le dossard comporte des puces et les coureurs ont des machines accrochées aux bras pour connaître leur performance.

La course à pied, initialement définit comme un mouvement gratuit et libre est devenu un vaste marché concernant l’équipement sportif.

Au delà des multiples bienfaits qui motivent les français à courir, n’est ce pas un phénomène social qui rassemble et rassure dans notre société individualiste si compétitive ?

Au départ j’ai souhaité différencier ma vie professionnelle et ma vie de coureuse. Finalement je me suis intéressée à ce mouvement sociale qui me semblait de plus important et intéressant à étudier. J’ai donc été une des pionnières à étudier ce mouvement social.

L’évolution du running est marquée par l’envie et le besoin de rassemblement avec des groupes solidaires qui ont plaisir à courir ensemble. La course à pied devient un point de repère important aujourd’hui, il impose une régularité.

La course à pied est également liée à l’amour pour le corps et à la jeunesse.

Nous sommes actuellement dans une société de loisirs. Le nombre d’heures de travail a diminué donc l’accès au sport est plus facile. C’est le seul sport qu’on peut faire n’importe où et n’importe quand.

Comment analysez vous l’engouement des entreprises qui proposent à leurs salariés de courir aux couleurs de leur société ?

Les entreprises ont bien compris que participer à des courses permet de faire de la publicité. : en direction des employés mais aussi du public. Les entreprises mettent ainsi en avant la compétitivité et la réactivité. Le but est de créer de l’émulation et de développer l’esprit d’équipe. L’entreprise va ainsi se présenter comme moderne et dynamique.